lundi 25 novembre 2013

CATHERINE URSIN (Yannick Lefeuvre)

En ce temps où la « terre était tohu-et-bohu et la ténèbre sur les faces de l'abîme »,
Catherine Ursin était là aussi en tant que souffle. Respiration, elle devine le serpent
de l'entre deux, elle le coud à même les tôles et son rire retrace ces vérités mythiques.
Non, il n' y a pas de petites  fleurs ni de petits  cœurs, ça tranche, ça découpe,
ça perce, ça pique et ça rafistole !
D'ailleurs à mon avis, elle rencontre plus qu'elle ne trouve, elle accueille
plus qu'elle ne cherche, elle gueule plus qu'elle n'explique et j'aime bien.
Sans hésiter, elle nous indique les lieux d'où il est nécessaire de partir
pour être et voir autrement le monde.
Si nous parlons d'amour, c'est sexué, si on dit primitif, c'est séparer le blanc et le noir
afin qu'ils s'écoutent, si on évoque l'origine, ce n'est pas pour être originale
mais parce que ce qui est à l'origine est pour elle essentiel.
A l'origine de son cri, de ses désirs, de sa soif de vivre...
tout ça s'affirme devant nous dans toute son énergie, sa force,
ses lignes de rupture et ses cassures...et pas point barre
car elle nous apprend que rien n'est perdu
et que ça se répare, ça se renoue, ça se reconstruit !
Les échanges, les amours, les espérances sont à venir,
à bâtir et à surtout à vivre !
Oui, il y a des serpents, des crapauds, des rats et des poissons,
c'est noir, rouge, ça saigne.
Elle se doute que c'est l'eau et la terre qui ont tout foisonné
et elle nous dit qu'on n'y est pas pour rien aujourd'hui.
C'est aujourd'hui qu'il faut crier, son temps est actuel
et les femmes blessées hurlent en elle.
L'art et les combats ne sont pas séparés ou si on les a séparés,
il va falloir les voir et recoudre tout ça autrement !
Elle ne nous demande rien d'autre qu'à être présent à ce qu'elle nous «en-saigne».
Les enfants d'ailleurs ouvrent les yeux. Elle est proche d'eux et si son art
et sa parole peuvent les éloigner de la tragédie, elle sera heureuse.
Elle indique des sentiers à prendre et d'autres à éviter.
Il faut prendre le temps aller au delà des dents de scie.
Ce n'est pas pour faire mal, c'est pour dire « l'ainsi du réel ».
L'artiste creuse à l'origine car c'est de là que viendront les transformations,
les métamorphoses et les devenirs heureux.
Elle y croit joyeusement et on partage ses enthousiasmes.


vendredi 22 novembre 2013

LES ÉCRITURES DE DANIEL ROUYER (Yannick Lefeuvre)


Lire les écritures originelles de la terre, voilà ce à quoi je me sens convié par Daniel Rouyer. Dans ces hiéroglyphes révélés qu'il nous donne à voir, nous cherchons spontanément des signes qui nous parlent... et la question qui surgit est : « Que nous chuchotent-ils ? »
 Ces interrogations nous emmènent directement à la naissance du regard, à l'invention mythique et aux lieux mêmes du sacré.
L'homme-artiste sans s'affoler a pris le temps du regard, la patience du toucher, l'écoute de la vibration. Cela se voit. Il la renifle, la sonde et la goûte avec sagesse et tranquillité. Cela se sent. Il y puise son récit, sa certitude et son souffle. Nous l'entendons
 Mais comment nous accompagne-t-il dans cette magistrale ouverture insoupçonnée du regard ?

Pour nous dire l'en dessus et l'en dessous, il confronte nos perceptions à une hésitation, une opposition voire une contradiction.
 Ce décalage se concrétise par un a-plat de couleur qu'il frotte, confronte et tout bêtement pose contre les plages où les stridences noires et blanches palpitent. Ce mouvement que l'œil effectue d'un espace à l'autre ouvre notre esprit à ces réalités scripturales, rend compte de leur foisonnement et nous approche de l'origine tangible et visuellement mythique de notre monde. Cela s'effectue grâce aux mouvements proposés.

 Peut être notre écriture humaine s'enracine-t-elle là ?

De plus, il nous les présente avec élégance dans un jeu cadré où le ressenti vibrant du somptueux charnel de la couleur révèle ses densités crispées, saccadées, dévastées. Il nous raconte l'instant présent qui lutte contre l'infinie gravité des sous sols anciens. Il les écoute et il y distingue des entités, en différencie les intentions et y décèle même le charnel. A lire ainsi avec lui la merveille de nos origines cachées, on se sent accompagné. Il indique sans souligner, il repère sans insister, il déchiffre sans certitude et ainsi presque naturellement, il nous enracine dans sa vision. Sa présence amicale s'installe dans notre regard. On se sent soutenu dans cette quête difficile.

Il nous apprend ainsi à entendre l'éternité sans en être ni effrayé, ni émerveillé mais avec l'intime conviction que là, il nous mène au cœur du mystère. De plus, dans la ferveur de ses mises en lumière, il nous laisse entendre les mélodies profondes du monde dans ses évidentes polyphonies. Nous en ressortons vivifiés.
Il nous prouve alors, la nécessité du silence pour penser, aimer et vivre, c'est rare !