samedi 28 juillet 2012

CHRISTIAN MOUREY : ÇA SE POSE LA ! (Yannick Lefeuvre)

Christian MOUREY
Devant une toile de Christian Mourey le regard s'illumine d'une joyeuse évidence. Avec simplicité et dans une rieuse rigueur, il nous emmène dans les méandres de ses échappées d'étagères. Tout est à portée de regard et pourtant le sens des motifs se dérobe. Tout est facile mais la tension de l'incongru nous voyage. Chaque élément nous salue et semble évident mais des chuchotements s'interposent, des vecteurs nous soufflent qu'entre ceux là, des voeux secrets circulent. Alors, dérouté, détourné, déboussolé, il devient nécessaire de trouver un chemin. Il nous amène à tracer notre route. J'aime quand un artiste nous offre l'espérance d'un ludique déchiffrement ! Il donne envie de parcourir, de suivre un itinéraire insoupçonné et en fin de parcours, nous nous surprenons à prendre rendez vous... avec nous mêmes !
 Fichtre !
Dans l'inventaire immédiat des glyphes icôniques, il glisse des flèches, des vecteurs de désir, des alignements de tares de balance, ça nous interpelle. Nous, attrapés comme ça, on inspire ses spirales, on expire ses magies de fakirs et ressourcés, en un mot, on se balade grave.
Des têtes aux allures primitives, des coupés de bagnoles de gosses, des n'importe quoi, des vues de l'esprit, des esprits à propos et de l'esprit en feu se présentent pour des circuits inattendus où l'âme trouve sa place. Mais pas d'empilement hasardeux, de mélange mou et d'abstraites imbécilités, au contraire un vivifiant équilibre s'affiche dans la joie des lignes. Dans les coups d'oeil de clins d'oeil, il trace à vif des joies aux couleurs soutenues, il souligne, il entame, il cuisine ses affaires. De plus, avec son coté calumet de la paix, un désir de sacré s'installe et nous relie à ce monde. Par exemple, nul mieux que lui connaît bibliquement le chiffre trois. Il le colle partout, obsession décapante ! L'angle et l'arrondi font la noce. D'un geste, il annonce l'avènement du nombre. Je le soupçonne d'envisager le chiffre 5 pour de nouvelles investigations.
 Comment fait il pour que de ce bric à broc s'installe un vent bénéfique ?
Lui, par l'écho profond qu'il ressent du monde, il creuse au fond de lui et trouve ses trésors. Il apprivoise des sens à venir, à rêver et à découdre. Actuellement, l'envahissement hystérique d'images, de signaux et de panneaux dans lesquels on tombe faute de sens, de sens des sens, de sens interdits et de bon sens nous piège !
Tranquillement, il desserre les mâchoires de la bête immonde par un retour sensible aux sens à fleur de peau... En expert de l'arrondi des cuillères, il donne sonorité au chant des lignes.
Dans les senteurs des courbes, il ouvre ses espaces colorés aux senteurs primitives.
Par le chahut des icônes, il laisse les parenthèses cerner les mots et il les chuchote.
Dans les allées où l'escargot côtoie l'infini. Il butine au dos des objets et à leurs silhouettes dévêtues, il jette un sort. Pour parler «pierre philosophale » il tente le lien subtil entre noèse-pensée et objet-noème, ce lien est un fétiche. L'aventure est phénoménologique et il faut un sacré phénomène pour se lancer dans la danse ! Une liane-tabou pour séparer et accorder des harmonies subtiles et nécessaires à la vie. Une équation aux couleurs intuitives nous chavire. Les énigmes qui s'offrent à nous sont celles que nous n'osons pas nous poser.
Alors, comment fait-il ?
C'est en se perdant qu'il trouve les signes qui ouvrent les bons chemins !

Il nous donne ses lieux de force, ses ancrages intimes et ses capteurs d'ondes affectives.
D'un objet à l'autre, on se faufile et on crapahute mais ce sera à nous de lancer les ponts !
Il cherche un compagnonnage et nous, à notre tour, à nous perdre ainsi,
on se retrouve avec lui !
Alors, à ce point de connivence, il nous accueille et nous cueille paumes ouvertes dans une généreuse accolade !
Ça se pose là un gars comme ça !

jeudi 26 juillet 2012

YVES KRIEF : CITÉS DU VERBE ! (Yannick Lefeuvre)

Dans le tohu-bohu du monde, il est difficile de trouver des lignes de sens. L'artiste-voyant s'y attelle avec appétit en déployant des visions à la férocité réjouissante. Il y sème des indices puisés à la source de ses désirs les plus intimes. Il nous donne ainsi l'opportunité de tracer notre propre route vers une parole sensée.
En effet, l'artiste nous dévoile ses interrogations par le truchement d'images énigmatiques.
Des paysages fantastiques, des architectures à décoder, des présences humaines et animales dessinent une mystérieuse mythologie urbaine. En ces temps où les anciens récits sont ressentis comme du folklore, où les nouveaux mythes se marchandisent, son travail est salutaire. Il s'adresse à nous, être perdu, illettré du verbe, du rêve et de nos richesses fantasmagoriques.
L'artiste parie sur l'étrangeté pour anticiper d'autres territoires sur le substrat des sensations, des émotions et des sentiments. Il choisit la voix du sujet avec confiance.
Chaque image-rêve qu'il crée est une ascension vers une cosmogonie réinventée, vers une parole débarrassée de ses clichés et la possibilité d'une transcendance nouvelle.
Dans ses tableaux, il y a parfois des invariants qui agissent comme des obsessions. Des ciels dangereux voire mortels, des bâtisses subissent l'ombre menaçante de gigantesques ponts.
Ces passerelles de fer et d'acier emprisonnent de leur puissance néfaste les lieux de vie.
Alors, il happe notre regard et le guide à travers ses propres métamorphoses. Il impose des dieux et des déesses comme autant de repères fétiches qui retrouvent une place dans l'imaginaire commun. Ces vigies vierges, statuaires charnelles posées au gré des rues veillent sur les passants. L'animal prédateur engage le regard dans les méandres de la violence et inquiète nos avancées dans ce monde torturé. Mais l'artiste n'est en rien pervers, il annonce des possibilités de compréhension. L'image fait sens et trace son sillon de vérité.
Des murs porteurs de brisures sur lesquelles s'agrippent violemment les inscriptions, des surcharges d'enseignes lumineuses, les tags et les pubs inscrivent des chemins. Les mots devenus hiéroglyphes seront sources d'un déchiffrement voire d'une approche symbolique humaine nécessaire à notre survie poétique.
Ainsi dans un coin de rue, j'invente à mon tour mes rêves. Je révèle un nouvel Abou Nowas qui juché sur des immondices vibratiles bégayant et chancelant crie ses poèmes aux ouïes des passants. Un Umberto Ak'abal s'envole dans les mélodies du chant des oiseaux. Un Tagore attentif prête ses oreilles au désespoir du parfum des fleurs.

Mais revenons à notre propos...Si ses toiles agissent avec talent de façon hypnotique, il ne s'agit pas de s'y laisser dériver mais de se ressaisir, de se réapproprier nos perceptions oubliées et de tisser en sa compagnie une histoire vécue creusant ses suspens au dedans de soi.
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