lundi 3 octobre 2011

ESSAOUIRA - MAROC - Août 2011 (Eric Meyer)

Nous voilà depuis deux jours en plein coeur d'Essaouira et de sa medina classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. L'ancienne Mogador, dressée face à l'océan Atlantique et balayée par des vents quasi permanents, nous abrite en son dédale de ruelles, au Ryad Dar Zette. On se perd facilement, mais avec plaisir, lors de nos premières sorties dans ces rues éventrées où le désert refait surface, dans ces ruelles encombrées de passants, commerçants, artisans et porteurs poussant leurs carrioles depuis les portes de la ville.
Des parfums et odeurs par dizaines viennent affoler nos sens : fruits secs, épices, poissons grillés, crêpes, cuir, patisseries, cuisine, mais aussi urine et égouts... Nos yeux ne sont pas en reste et se délectent des couleurs de la vaisselle et des poteries, des vêtements, des étals de fruits, du bleu des bateaux du port. Sur les terrasses blanches, ocre rouge, pied figé dans le béton comme pour mieux résister aux Alizés, de grosses paraboles rouillées tendent leur face au ciel, d'autres plus chétives, de bric et de broc, se dressent comme d'innombrables sculptures de métal.
Dans le port scintillent le ventre argenté des sardines et des chats par dizaines errent aux alentours. Les mouettes se marrent jusqu'à tard le soir et leurs rires se mêlent aux appels à la prière lancés par le muezzin et relayés par des hauts parleurs accrochés aux branches des caoutchoutiers de la place Moullay Hassan. Il fait bon ici prendre un thé à la menthe, boire un jus d'oranges fraîchement pressées...
Sensibles au monde qui nous entoure sans pour autant se sentir déjà y appartenir nous passons nos premiers jours à errer dans les ruelles, sur les remparts, le long du port et de la plage, tous nos sens en éveil. Nous n'avons rien de particulier à voir, pas de visite prévue, nous avons juste à être là... Essaouira est une ville que se cerne assez rapidement, mais qui pourtant se révèle pleine de surprises et de découvertes. Impressionnante les premiers instants, l'on s'y sent très rapidement à l'aise. C'est lorsque l'on commence à faire ses provisions au souk Jdid, acheter son poisson au port et ses crêpes pour le petit déjeuner, presser ses oranges, échanger quelques mots ou partager un thé à la menthe que l'on commence à se sentir faire partie du lieu.
On se ballade sur l'avenue Mohamed Zerktouni grouillante de monde et de commerces ; Carcasses de viande suspendues devant chez le boucher, poulets en cage, pigeons, lapins, montagnes d'olives et pyramides d'épices, plateaux de figues de barbarie, dattes, fruits secs et patisseries. Nous passons un peu de temps également à la plage dans l'après midi. L'eau y est fraîche, mais fait le plaisir des enfants. Depuis trois jours il fait un temps magnifique, le vent a complètement disparu et il fait chaud jusqu'à tard le soir.
Le soleil se couche assez tôt, vers 19h30, l'heure de la rupture du jeun est alors signalée par une sirène. Les rues se vident et le silence se fait. Seuls quelques commerçants gardent échoppe ouverte, dégustant assis à même le sol une soupe, buvant un thé. Vers 21h les rues se remplissent à nouveau et l'on se promène en famille, entre amis, toutes les générations sont dehors. Les terrasses de café se remplissent, de la musique s'échappe des restaurants et des maisons, des odeurs de grillades flottent dans l'air.
Il y a beaucoup de peintures à Essaouira, plus ou moins intéressantes, c'est selon...
J'ai croisé dans une petite ruelle, non loin du port, une petite galerie coopérative d'artistes autodidactes, pêcheurs ou artisans. Des oeuvres riches, foisonnantes, colorées, figuratives dans l'ensemble. Un monde peuplé de créatures, d'animaux, de signes, de personnages imbriquées les uns dans les autres. Ce sont de grands puzzles ou kaleïdoscopes offrant plusieurs niveaux de lecture. Les constructions sont parfois très précises et travaillées en détails, minutieusement, parfois plus amples et libres, comme si Cobra croisait l'art aborigène et Chichorro rencontrait Willem de Kooning.
Le haut lieu de cette école souiri est la galerie Fredéric Damgaart, située juste derrière la grande horloge. On y croise un bel ensemble de ce que peut être cette peinture qui trempe ses pinceaux dans les cultures berbères et africaines, métisse magie et tradition. Je me permets ici d'illustrer ce billet en reproduisant une oeuvre de Mohamed Tabal, artiste majeure de la galerie.
Un peu gris aujourd'hui, comme le ciel. Mal dormi la nuit dernière, pas fermé l'oeil. Crevé. J'essaye une petite sieste cette après midi, mais ça ne veut pas... Je décide de me mettre en quête d'une bouteille de vin pour accompagner le couscous du soir. Autant le dire tout de suite, je cherche une aiguille dans une botte de foin. J'ai bien une carte au trésor laissé par le propriétaire du riad : quitter la médina par Bab Marrakech, laisser les remparts sur la gauche et poursuivre la route qui longe les ateliers de réparation de voitures. La boutique se trouve juste après, sur la droite. Rien. Du vent, du sable, une ville qui semble à l'abandon. Je suis bredouille.
Je traverse la médina en sens inverse pour rejoindre le port. Je longe la plage déserte. Quelques gouttes commencent à tomber. Je traine du côté du chantier et prends des photos. Un ouvrier m'invite à passer de l'autre côté de la palissade. Il me donne des tas d'explications sur la construction des bateaux, les bois utilisés, les outils et pour finir me demande quelques dirhams... Je lui laisse ce que j'ai au fond des poches. Sur le chemin du retour je discute avec quelques chats et tentent de rire avec les mouettes.
Nous passons à table, le couscous est délicieux. Un des meilleurs. Nous le cherchons dans un petit boui-boui juste à côté de la maison. L'endroit ne paye vraiment pas de mine, mais les tajines et couscous sont royaux. Le patron est un homme charmant à la générosité inversement proportionnelle à la taille de son établissement : la largeur d'un couloir ; d'un côté les fourneaux et de l'autre une tablette de bois qui longe le mur. On casse ici la graine debout. Les enfants y vont en courant, casseroles sous le bras. Ils ont droit à une bonne embrassade à chaque fois et à leur galette de pommes de terre, met qui surclasse tous les autres !
La soirée se poursuit et je m'attelle à vider la carte de l'appareil photo sur l'ordinateur et à écrire ces quelques mots. Il est maintenant 1h30 et tout le monde dort. Je n'ai toujours pas sommeil...

Eric Meyer
- Esaouira - août 2011



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